Avales. Mastiques. Déglutis. 

Non seulement ça m'échappe... Mais en plus ça me débectes, c'est au dessus de mes forces. Je veux le vide. 

Je glisse doucement vers la follie, de ce que j'observe, je ne discerne plus tout à fait le vrai du faux. Et puis il y a ce rêve, qui revient si souvent, celui ou je mange ce minuscule bout de pain, cet effroyable petit bout de misère qui me fait tant de tort. Et quand je tente de le vomir, ce n'est pas lui qui sort ; c'est de l'eau. De l'eau dans un premier temps, puis mes viscères. Un oeil naïf pourrait croire que je ne mange pas : rien n'est moins faux. Je ME mange.

Je ne sais pas si je deviens folle ou si ce sont mes sens qui me trompent, à cause de la torpeur dans laquelle me plonge ce jeûne infini. Tout ce que je sais c'est que cela semble tellement réel. J'ai l'impression que tous me detestent. Parfois je voudrai les tuer. 

Ou est passée la personne que j'étais ? La médiocre petite truie qui ne pensait que du bien de son prochain, tudieu, où est elle ? Je ne suis plus tout à fait.

Ma chair m'écoeure, ma propre chair, je veux tout voir disparaître. Tout, tout.