"C'était fait. Il n'y avait plus rien à rajouter. Je ne pouvais plus me défendre, vous comprenez, ça ne retournais pas de moi. Il avait prononcé les mots. Les deux mots fatidiques, les pires que je puisse entendre, l'abomination lexicale. Il m'avait jetée ma réalité en pleine tronche, ce fils de pute. Il m'avait diagnostiquée une "dépression nerveuse". C'était un vendredi, c'était il y a trois jours. Je me suis levée, je suis partie sans un mot, j'ai laissé le chèque sur la table, sans réclamer un autre rendez-vous.
Je ne suis pas dépressive. Je n'ai rien de ces loques, qui passent des heures à se lamenter sur leur sort. Non, loin de là. Je suis souriante, moi. Je suis un peu folle, moi. Je suis un peu disperçée, moi. Mais je n'ai définitivement rien d'une dépressive. Il aurait du le voir. Il est arrivé à grand coup de "factice". Je ne pouvais démontrer l'indémontrable, alors je suis partie.
Et samedi, j'ai soigneusement entrepris de faire le ménage. Puis j'ai travaillé jusque tard dans la nuit. Ce n'est pas une attitude de depressive, que je sache, hein ?
Et Dimanche, je suis allée au cinéma. Vous en croisez souvent des dépressives au cinéma, vous ? Le soir j'ai téléphoné à un vieil ami. Et j'ai ris. J'ai tellement ris. Sans retenue, avec sincérité. Pas très déprimant, comme programme, hein ?
Lundi, je suis allée en cours. Et j'ai souris, encore. J'ai ris, encore. J'ai travaillé encore. Je me suis souciée de mes amis, encore. Parce que, c'est eux qui ont des problèmes, c'est eux qui ont besoin d'aide, voyez-vous? Pas moi ! Les dépressifs n'aident pas leurs amis, hein ? Vous voyez que je vais bien.
Et le soir, en plein devoir, je me suis arrêtée. Les pensées se sont enchaînées à toute vitesse. "Il ne te connaissent pas, aucun."
Et c'était vrai.

Ce soir, mes pieds ne touchent plus le sol.

Demain, personne ne pourras l'expliquer. Les plus lucides, peut-être, comprendront qu'il n'y a rien à comprendre.
Une prison de pensées et une conscience tachycarde, c'est tout ce qu'il en reste n'est ce pas ?"