Esse est percipi.



Pour les néophytes de la très appréciable langue latine : "Être, c'est être perçu.". Et ce n'est pas moi qui le dit. C'est Berkeley. Celui qui a poussé le solipsisme à son comble, autrement dit. Ce brave homme, philosophe de sa condition, s'opposait à toute position réaliste qui considèrerait que le monde possède une réalité extérieure hors de notre perception. Seul ce que je suis en mesure de voir existe, et encore. Cela a un arrière goût empirique, cela a un arrière goût de Saint Thomas. Cela a un arrière goût de foutaise, aussi.
Mais c'est tentant. Très tentant. Vous la ressentez, vous aussi, non? Cette impression qu'au travers de vos yeux tout prend une valeur unique. L'existence d'un univers différent pour chaque être humain est indéniable, non? Sinon, cela signifierait que nous sommes tous formatés à la même dope intellectuelle. Nous tendons vers cette uniformisation, mais grâce soit rendue à je-ne-sais-quel miracle ; nous en réchappons. C'est selon moi le fondement de l'humanisme. L'existence du très célèbre cogito, merveilleuse excuse pour péter plus haut que son cul.
Et pourtant c'est vrai. Ce qui n'a aucun témoin peut il exister ? Ce qui n'a accéder à aucune observation devient un intouchable. On ne peut concevoir cela à notre époque. Ils foutent des caméras dans les chiottes, de nos jours. C'est pourtant vrai. Un arbre tombe dans une forêt déserte. Est-il tombé ? Personne ne peut en attester. Physiquement, oui, le résultat est là. Et pourtant, et pourtant, je n'ai pas vu cet arbre.
Et pensez, un instant à tout ces moments où des éléments fondamentaux de votre existence ont été joué en votre absence. Ou vous accédez aux résultats sans en déceler le cheminement. Nous avons tous connu cette frustration, qui mêle l'envie et la terreur de "comprendre".
Il y a pleins de choses que je n'ai pas pu voir, tant d'instant où j'aurai aimée être omniprésente, mais cette terreur est là, elle aussi... Mais si je ne l'ai pas vu, comment savoir que tout cela a pu exister ? Oui, je pense bel et bien que cette philosophie s'appelle le déni. Et c'est jubilatoire. Et j'aurai du y penser plus tôt. Et j'aurai du m'absenter plus souvent. Et j'aurai pu créer une réalité tout autre, la mienne. Et dans ma réalité, il y aurai eu des gens. Et ces gens aurait eu la particularité de ne rien percevoir. Enfin, Invisible. Totalement indétectable. Et j'aurai consacrée mes journées entière à les observer manger, rire, boire, pleurer, puis rire encore, et puis faire l'amour, puis parler... Encore. Parce que j'aurai été sans être, en confrontant cogito et "esse est percipi". J'aurai pu être le tout et le rien. La pensante impensable. Et je vais me resservir un verre de Vodka.


29/04/2010
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