Bribe d'existence. JE serai mon dernier monstre.



C'est orgueilleux. Je sais. Voici cependant ce qui seras la dernière nouvelle de "De l'humanité des monstres". Je suis consciente que la chute est difficile à cerner. Elle est néanmoins existante. Puisqu'il est question de ma vie.

UNE MINEURE AU BAR DE L'HÔTEL.

Messieurs, mesdames, prenez garde, il y a une mineure au bar de l'hôtel. Une mineure comme tant d'autre. De celles qui ont fait le mur. Une mineure qui ne trouvait pas dans la suite prestigieuse de ses parent un lieu propice à sa tranquillité. Une mineure qui aspirait à dérober un moment de quiétude, quand bien même ce moment eut le mauvais goût de se situer entre une heure et trois heure du matin.
Une mineure qui se fait servir une vodka sans glace, par un bar-man peu regardant. Puis une autre vodka. Elle n'attribue pas cette facilité à se servir de l'alcool à sa crédulité. Il sait, il a choisit de s'en foutre. Et elle s'en félicite. Elle tient entre ses doigt tremblant une cigarette tout juste sortie d'un petit paquet noir et brillant négligemment posé à sa droite. En levant les yeux, elle ne peut s'empêcher de relever le regard insistant d'un quadragénaire. Elle est consciente que le rouge carmin qui maquille ses lèvres et la paire de talon aiguilles qui bordent ses pieds la vieillissent. Mais c'est la symptomatique d'une époque. Elle se dit souvent cela pour se rassurer. Nul ne peut lui incomber une faute ; c'est l'époque. Et puis cela la dispense de carte d'identité. La raison en est belle, pensez-vous.
Ce que le quadragénaire ignore surement, c'est la chemise de nuit nounours que dissimule son manteau gris tissé de couleurs improbables. Un manteau de mineure fraudeuse. C'est l'évidence même. Comment peut il l'occulter ?
La mineure n'accorde aucune sorte d'importance à ce regard qui la dissèque. Elle semble y être imperméable. Elle laisse glisser ses doigts sur un clavier d'ordinateur portable, elle écrit. Le moment en est sacralisé. Elle écrit l'objectivité, aucun de ses mouvements ne trahit son exaltation interne. Elle écrit, comme toujours, elle écrit sans avoir la moindre connaissance -même superficielle- de ce qu'il adviendra du curieux agencement de lettres qu'elle laisse s'échapper de ses pensées confuses. Roman ? Nouvelle ? Article ? Poème ? Il est encore trop tôt pour le dire. Seule la contemplation recueillie du piano à queue, quelques mètres plus loin, inoccupé, interrompt son activité. La tentation est forte. Mais la mineure ne joue jamais publiquement. Il s'agit là de l'un de ces complexes mineurs de mineures, que voulez-vous ?
Elle examine les sujets naïfs susceptibles d'enthousiasmer une mineure. L'amour, par exemple. A cette simple évocation intellectuelle, elle tire nerveusement une bouffée de nicotine -ô combien salvatrice- sur sa cigarette, et joignant un vice à son subalterne, s'hydrate d'une copieuse gorgée de vodka. Ses quatre vice l'accompagne. Trois sur le bar, un dans ses maigres pensées. Elle se sent déjà saoule. La mineure ne tient résolument pas l'alcool. Fort bien : elle perçois cela comme une économie. Elle intègre alors ces troubles obsessionnels compulsifs de personnes ivres. En l'occurrence, elle entortille frénétiquement une mèche de cheveux rougeoyante et artificielle.
L'amour, donc. Oui, c'était cela même. Elle a longtemps cru que l'amour était le luxe de lyrisme que s'offrait les gens beaux. Et elle est, encore aujourd'hui, consciente, que trop consciente, de ne pas appartenir à cette classe privilégiées. Les beaux n'entendent pas accepter l'abolition de leur privilège, et le serf qu'elle était n'entendait pas se plier à ce despotisme au yeux en amande ad vitam aeternam. Grand dieu, non. Elle était fortement tentée par l'hédonisme et ses aspects informels. Hélas, le fruit de quelque raisonnement parcimonieux l'avait conduite à écarter cette perspective. Et rétrospectivement, elle n'aurait jamais été en mesure de la pousser à son terme. Pourtant les occasions (comprenez par là : propositions) se faisaient multiples, inexplicablement multiples, s'il en était... Imméritées, de tout évidence. Sa solution était des plus expéditives, et plutôt que de louer la clémente providence pour ces interêts inattendus, elle rejetais en bloc tout ce qui pouvait constituer une entrave à sa sacro-sainte indépendances. Elles aspirait tranquillement à chasser peu à peu ses délires nymphomanes (on en apprends tout les jours sur les mineures, avouez) pour se concentre sur... Elle l'ignorait. Elle était juste intimement convaincue de pouvoir de réserver à un dessein plus glorieux que celui d'ouvrir les cuisses une première fois, de les refermer neuf mois durant, pour les rouvrir comme une gueuse et devenir l'esclave de deux mâles exigeants. Elle se savait dévergondée, pusillanime, mais ce soir là, dans un bar d'hôtel d'Andorre, elle se découvrait stupide & réductrice.
Le lendemain, entre deux lectures, la mineure s'adonna aux voluptés aquatiques. L'apnée correspondait merveilleusement à celle-ci. Pour ne pas dire qu'elle avait l'apnée comportementale ancrée à l'épiderme. La baignoire était immense, et elle ne pouvait s'empêcher de se demander combien de couple avait fait l'amour dans ce bassin disproportionné avant qu'elle vienne s'y calfeutrer. Beaucoup, elle n'en doutait guère. Preuve faites qu'elle sentait encore l'ardeur de leurs passions en ces lieux immaculés, sans qu'elle puisses argumenter à ce sujet. Ce lieux était tout bonnement nimbé de sexe. Au terme de ces quelques réflexions érotiques, elle activa les bulles sensée rendre tout l'intérêt de la dite baignoire à remous. Expérimentation. ON. La sensation provoquée par ces eaux turbides et violentes sur ses chairs était d'une infamie peu descriptible. Elle se sentait affreusement assaillie par les éléments, c'était purement détestable. Elle ne comprenait pas ce que les concepteurs avait pu avoir en tête au moment de mettre en place ce procédé vrombissant. OFF. Jets latéraux. ON. La sensation était cette fois-ci divine, tant et si bien qu'elle aurait presque égalé les plaisirs charnels. Elle les stoppa pour cette raison. Trop délectable. La mineure insupportait les plaisirs solitaires. Peut-être même insupportait elle les plaisirs en règle générale.
Le surlendemain de son évasion éthanolisée, la mineure alla à l'église. Elle était athée, athée convaincue qui plus est, le mysticisme religieux ne la captivait aucunement. Elle avait longtemps sondée la question, pour en arriver à la conclusion que ce que les convertis appelaient dieu résidait en chaque être humain, sous la plus sobre dénomination de "conscience". Au prix de ces maintes  génuflexions, ceux-ci ne faisaient qu'attiser une schizophrénie latente. Elle ne blâmait cependant pas la confusion. Sans la suivre, elle cautionnait cette attendrissante manière de se rassurer qu'avait les modérés. L'athéisme militant provoquait en elle une certaine forme d'hilarité maussade. N'était pas là un autre dogme ? L'influence péremptoire la répugnait. C'est dans l'athéisme pacifique qu'elle avait trouvé "la voie de son salut". La mineure était irrévocablement passionnée, mais que bien peu pugnace. Elle aimait à écrire l'acariâtre violence qu'elle contenait sans jamais la proférer. Parfois, peut être. Ce uniquement quant il était question de défendre ses principes bafoués. C'est dire qu'elle accordait plus de crédit à ses principes qu'à sa personne, pourtant énonciatrice de ces derniers. Car la mineure était une mineure, et nul pléonasme n'eut été plus regrettable que de déclamer qu'elle était paradoxale. Ce n'était pas un tort. Le tort eut été de réfuter sa condition. Donc, la mineure visitait l'église. Elle savait pertinemment ce qu'il attendait en son enceinte, comme une impalpable fatalité qu'elle acceptait avec désenchantement. Qu'importe. Les lieux de culte avait toujours provoquée en elle une ineffable fascination. Cette visite ne fit évidement pas exception. Les vitraux feutrait l'atmosphère d'une diaprée jubilatoire. L'Eglise était déserte. Une Marie diaphane et un Jésus martyre la contemplait impudiquement.
Ce jour-là, la mineure alluma un cierge.
Mineure, elle ne le serait plus longtemps, elle ne souffrait d'aucun manque de lucidité à ce sujet, et ce serait sans nul doute la dernière opportunité qui se présenterait à elle d'effectuer un acte aussi puéril en toute âme et conscience. Pour la modique somme de un euro cinquante, elle saisit son briquet en prononçant à haute voix (l'église vide le lui permettait) :
"A mon Amour d'Humanité, à mon amour de déchéance ignorante ; puisse tu comprendre que la réflexion ne souffre d'aucune valeur marchande."
C'était fait. Elle avait racheté un avenir à l'humanité, et celui-ci coûtait très exactement un euro cinquante. Elle mesurait la naïveté de son acte. Mais pour l'heure, c'était sans importance. Pas pour elle, car elle savait que ses mots ne serait entendus par nulle force supérieure ou divine. Cette prière était précieuse parce que, justement, rien ni personne ne serait en mesure de violer,  puis de galvauder son sens. Il faut dire que ces derniers-temps, la vie de la mineure ressemblait à s'y méprendre à un interminable théatre de l'absurde. En sortant de l'église, elle reconnu le quadragénaire du bar. Elle n'était vraisemblablement pas la seule âme égarée d'Andorre. Lui, elle, ils étaient les mêmes protagonistes, soit-il passif, soit-il héroïque, de cette époque décadente. En s'éloignant de l'Eglise, elle eu la réminiscence d'un phrase de l'admirable pièce "Dom Juan".
"L'endurcissement au pêché traîne une mort funeste." Elle prendrait le risque, et deviendrait son dernier monstre humain. Ces héros effrayants d'une époque qu'il est encore plus.
Dieu vous aime, bande de sacs à merde.


24/05/2010
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